Marchés actions en 2026 ; comme toujours, un consensus optimiste, voire trop optimiste ?!

15 décembre 2025

En ce mois de décembre, toutes les banques d’investissement et les gérants d’actifs publient leurs perspectives pour l’année prochaine. J’ai fait cet exercice de nombreuses fois, et je dois souligner un biais comportemental important : statistiquement, les bourses montent sur longue période. Donc, un prévisionniste prend moins de risque professionnel à être haussier, il a plus de chances d’avoir juste que de prévoir une baisse. Si un prévisionniste est baissier et qu’il a raison, de toute façon il ne sera pas bien récompensé. Son entreprise, ou sa division, aura soit perdu de l’argent, soit fait moins que prévu. Son bonus sera donc impacté négativement.

Le consensus des prévisions est donc optimiste, aujourd’hui comme toujours. Mais, il est plus optimiste que d’habitude avec, selon un article du Financial Times une moyenne de hausse attendue pour l’indice américain de 10%. Habituellement, le consensus est plutôt sur 6,5 à 7%, soit la moyenne des rendements sur longue période. Ce 10% est d’autant plus fort que cela serait la 4ème année consécutive de hausse à deux chiffres de la bourse américaine.

NB : la bourse américaine représente 65% d’un indice boursier mondial et les corrélations avec les autres bourses sont très fortes. La direction des marchés actions dans son ensemble vient d’outre Atlantique.




Les raisons qui sous-tendent cet optimisme sont bien connues

. la résilience de l’économie américaine (et de l’économie mondiale dans une moindre mesure) a été confirmée en 2025 et devrait se poursuivre en 2026. Les anticipations de récession ont été déjouées, notamment grâce au desserrement de politique monétaire, à l’innovation majeure que représente l’Intelligence Artificielle et aux gains de productivité.

. l’inflation, plus proche de 3% que de 2%, objectif de la banque centrale  n’empêchera pas la Fed de poursuivre son desserrement de la politique monétaire. Le nouveau président nommé par Trump sera accommodant voire très accommodant.

. l’administration Trump maintiendra une politique budgétaire expansionniste, et n’ira pas beaucoup plus loin dans l’imposition de tarifs douaniers aux partenaires commerciaux .

. les profits des entreprises continuent de monter. Le consensus des analystes attend une hausse des profits à deux chiffres, notamment grâce aux « 7 magnifiques », mais pas seulement.

Or, je pense que tous ces éléments positifs sont bien connus et intégrés dans les marchés aujourd’hui. Non seulement la bourse américaine est chère, mais en plus la volatilité y est faible. Comme les graphiques suivants le montrent, la volatilité est faible sur les actions ( VIX sous les 20), mais aussi sur les taux obligataires et les taux de change ( MOVE et volatilité FX en forte baisse).




Si ces facteurs macroéconomiques et financiers positifs se confirment en 2026, ils sont déjà dans les prix ; par contre, si un des facteurs de risque se concrétise, la volatilité se tendra fortement. Il y aurait alors de meilleurs points d’entrée sur les bourses que les niveaux actuels.




Examinons ces risques




1)Le marché obligataire américain pose un problème. Depuis que le cycle de desserrement de la politique monétaire a débuté en septembre 2024, les taux longs (10 ans) n’ont pas baissé. Le 18 septembre 2024, l’objectif des Fed Funds a été abaissé à 5% (-50bp), les taux à 10 ans était à 3,64%. Aujourd’hui, les Fed fund rates sont à 3,75, les taux 10 ans à 4,14%. Les 175bp de baisse des taux courts n’ont pas eu d’impact sur la partie longue de la courbe ; comme le montre le graphique ci joint (10ans moins 2 ans), la courbe des taux s’est repentifiée.

La Fed contrôle la partie courte de la courbe, mais le marché réagit à d’autres paramètres sur la partie longue : l’inflation est à 3%, loin de l’objectif officiel de la banque centrale de 2%, le déficit public américain est important et croissant, les émissions obligataires (la demande) explosent. Enfin, la prime de risque sur les actifs obligataires augmente : incertitude sur la politique économique de l’administration Trump, risque de poursuite de sa baisse du dollar, perte de crédibilité.

En d’autres termes, je crains que soit les taux longs américians remontent à cause de l’inflation et du déficit public, soit que le dollar reprenne sa baisse. Deux éléments qui ne sont pas exclusifs, d’ailleurs !

Un autre événement majeur sur les marchés obligataires a été la forte remontée des taux longs japonais à des niveaux inconnus depuis la fin des années 1990. Plus précisément, le taux 10 ans à 1,95% au 12 décembre 2026 (+ 90 bp en un an) n’a pas été à ce niveau depuis 1998 ! Or, l’épargne japonaise a été largement investi au niveau international ; les Japonais sont de grands détenteurs d’obligations du Trésor américain. Pour l’instant, cette épargne n’est pas retournée au Japon, ce qui explique que le yen soit resté aussi faible, malgré la hausse des taux. Mais, c’est une des questions majeures pour 2026 : la poursuite de la remontée des taux obligataires japonais se traduira t elle par une hausse du yen ?

  1. La question de la bulle IA se pose évidemment !

Je renvoie à mon papier précédent dans Broviews pour une analyse plus détaillée.

Les actions technologiques américaines anticipent que la perfection – des prix élevés grâce à des profits record- va se poursuivre. Ce qui est tout a fait possible à court terme, mais pour combien de temps ?!

Car l’histoire est riche en épisodes de bulles financières. Chaque innovation majeure a donné lieu à des excès en bourse.Le mécanisme est toujours le même ; une innovation majeure se produit, attire des capitaux car cette innovation dans un premier temps est très rentable (surtout boursièrement). Puis, avec le développement de l’offre et la concurrence de nouveaux entrants, la rentabilité baisse et dans un deuxième temps, le secteur s’effondre en bourse. La durée et l’ampleur de la hausse, puis de la baisse, changent selon le cycle boursier.

Les tenants de la thèse de la bulle IA mettent en avant quelques arguments négatifs :

a) la valorisation boursière est aujourd’hui excessive

b) le secteur de l’IA change de nature avec des investissements en capital énormes qui ne peuvent pas être correctement rentabilisés à long terme

c)le secteur commence à mettre en place de l’ingénierie financière qui augmente le levier utilisé et qui crée des interrelations malsaines entre les entreprises d’IA et les investisseurs. De plus, des doutes quant à la véracité des comptes émergent avec des questions sur les facturations des contrats et sur les politiques d’amortissement du matériel.

Le timing de l’éclatement d’une bulle est toujours impossible à prévoir. Une baisse de la bourse entraînerait un effet richesse important !

  1. Les crypto monnaies sont dans une phase de défiance : le bitcoin est passé d’un plus haut de 126k$ en octobre à moins de 90k aujourd’hui. La capitalisation totale des cryptomonnaies a fondu de plus de 1000 milliards de $ avec cette correction. Cet énorme montant montre l’importance que cet actif a pris depuis que les investisseurs institutionnels se sont mis à investir dedans ces derniers trimestres.

Je suis incapable de comprendre cet actif, et je n’y ai jamais mis un euro. Mais beaucoup de personnes risquent de perdre beaucoup. Un effet richesse positif a joué lorsque la hausse dominait – comme avec les investissements dans l’IA, mais là, il y a une innovation majeure avec un impact sur la productivité des économies- ; son retournement pourrait avoir des impacts non négligeable. A suivre donc !




Conclusion opérationnelle

Je reste avec une stratégie d’investissement défensive : pas mal de liquidités, investissements dans des secteurs « value », dans des financières qui bénéficient de la repentification de la courbe des taux que l’on a vu aussi en Europe, dans les marchés émergents (Chine et Inde, en retard).

Mais comme le timing des éclatements de bulles est impossible à prévoir, et que des excès de marchés sont toujours possibles, je ne « shorte » pas : pas de vente à découvert avec un risque de perte illimitée.

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